Abus sexuels :Comment protéger nos petits

Aucun enfant n’est totalement à l’abri des prédateurs sexuels. Les cas de viols sur enfants se multiplient et laissent souvent l’entourage perplexe. Il est temps de parler d’amour et de sexualité à nos petits. La psychothérapeute Jaya Balgobin fait le point.

constater que la série noire continue et que les délits sont de plus en plus sordides.

On se souvient du cas de la petite Cheyenne qui subissait régulièrement des sévices de son oncle chez qui elle habitait. On n’a découvert son calvaire que quand elle a eu six ans. On n’oublie pas non plus le cas de cette fillette âgée de dix ans tombée enceinte après avoir été violée par son père. Les exemples se suivent les uns plus choquants que les autres.

On s’interroge. Comment se fait-il que l’entourage ne se rende pas compte de ce qui se passe, est-ce que le comportement de l’enfant ne laisse pas entrevoir des troubles ?


Savoir dire non et dénoncer

Ce n’est pas si simple. Comme l’explique la psychothérapeute et Rape Crisis Counsellor Jaya Balgobin (photo), on peut être attentif à certains signes, mais ces mêmes signes peuvent traduire d’autres déséquilibres d’ordre psychologique.

Si l’on ne doit pas être paranoïaque, il faut tout de même être vigilant car « filles ou garçons – ils sont tous des victimes potentielles et l’abuseur peut être un parent, un membre de la famille, un voisin, un prof, un moniteur, un étranger, etc. » souligne Jaya Balgobin.

Pour Raj Mootoosamy de l’association Victim Support « un crime de plus est un crime de trop ». Pour que cesse cette vague de délits inqualifiable, tout le monde a un rôle à jouer. Raj Mootoosamy considère que « la population dans son ensemble est responsable de ce résultat pressenti ». Les premiers à avoir à jouer un rôle pour arrêter cette descente aux enfers sont les parents.

Pour Monique Dinan « les parents doivent apprendre à protéger leurs enfants. ». Cette protection ne se limite pas qu’à une surveillance constante. Cela va bien au-delà. Une protection signifie également informer les enfants sur une sexualité saine, savoir comment se protéger, savoir dire non et dénoncer. « L’enfant doit être mis en garde », comme nous l’indique Monique Dinan.

Là encore c’est plus facile à dire qu’à faire. Les choses se corsent quand l’enfant victime d’abus est amadoué par le prédateur. Il finit par se sentir coupable, ne sachan pas qu’en fait il est la victime.


« Filles ou garçons –
ils sont tous des victimes
potentielles et l’abuseur peut
être un parent, un membre
de la famille, un voisin, un prof,
un moniteur, un étranger, etc. »


Il doit pouvoir discerner ce qui est permis de ce qui ne l’est pas, savoir dénoncer et surtout savoir que tous les adultes n’ont pas tous les droits sur eux… même les plus proches. Les parents doivent, quant à eux, se responsabiliser et chercher à connaître la bonne attitude à adopter.

Par exemple, un enfant ne devrait pas être obligé de faire la bise à un adulte s’il n’en a pas envie. Et encore moins que l’adulte lui fasse du chantage en lui promettant des sucreries en échange d’un câlin.

Il faut donc miser sur l’éducation mais pas seulement sur elle. Les pa-rents ou l’entourage le plus proche doivent apprendre à reconnaître les signes que l’enfant est passé par des moments traumatisants.

Tout changement dans son comportement doit interpeller. La psychothérapeute Jaya Balgobin nous met sur quelques pistes dans ce dossier.





Quelles sont les mesures préventives pour éviter le pire ?

■ Il faut prendre conscience que cela n’arrive pas qu’aux autres. N’importe quel enfant peut être une victime potentielle et, dans la plupart des cas, le prédateur sexuel évolue dans l’entourage de l’enfant. Un enfant n’est jamais préparé pour pouvoir gérer cet abus, même s’il a deux ou trois ans et ne comprend absolument pas ce qui se passe, il ne pourra pas gérer cette stimulation sexuelle malsaine.

■ Mettre en garde l’enfant des abus et ne pas se dire qu’on va le traumatiser. L’enfant parlera plus facilement à une personne en qui il aura confiance. Il faut donc le rassurer et lui faire comprendre qu’il peut tout vous raconter, sans craindre d’être grondé ou critiqué. Gagner sa confiance reste un des facteurs déterminants pour que l’enfant se sente en sécurité pour parler des incidents qui le perturbent.

■ Employer un langage simple, faire comprendre à l’enfant que son corps lui appartient et que si quelqu’un manipule/touche ses parties intimes sous prétexte que ce n’est qu’un jeu/un petit « secret entre nous », il doit dire non fermement. On peut lui expliquer que s’il sent qu’on lui a fait faire certains actes qui lui semblent étranges, il peut en parler et qu’il ne sera jamais à blâmer.

Par exemple, pour rendre cela plus concret, on peut expliquer aux petits enfants que si parfois les médecins ont besoin d’examiner leurs parties intimes, il y aura toujours (maman/papa) qui sera présent, comme ça, il comprend de quoi on parle !

■ Expliquer aux enfants que bien qu’il existe des règles établies par des adultes qu’il doit suivre, il y a quand même certaines exceptions. On peut lui dire que dans certains cas, les adultes n’ont pas toujours raison et que si l’enfant a des doutes, il peut venir vers vous et qu’on le prendra au sérieux.

■ Répéter ces messages pour que l’enfant arrive à les saisir. Et puis, il faut aussi interroger son enfant – s’intéresser à ce qu’il a fait à l’école, pendant ses heures d’activités, quand il est chez des proches, etc.


Enfant abusé,quel soutienlui donner ?

Avant tout, on est obligé de protéger l’enfant et de s’assurer qu’il ne se retrouve pas dans un environnement où il est toujours en proie aux abus sexuels. Dans bien des cas, les enfants demandent à ceux à qui ils se confient – parents, psys, autres membres de la famille, etc. – de garder cette révélation secrète. Mais on doit en parler. D’ailleurs dans beaucoup de pays, les professionnels qui travaillent avec des enfants, profs, pédiatres, psys, entraîneurs, etc. sont dans l’obligation légale de révéler toute suspicion. L’enfant qui prend conscience de ce qui lui est arrivé peut éprouver des sentiments de culpabilité, de honte et d’humiliation. Cela peut s’avérer beaucoup plus intense si la révélation entraîne une séparation ou une rupture familiale.

Il faut porter plainte directement aux autorités et mieux vaut ne pas prévenir l’abuseur quand ce dernier est un membre de la famille. L’erreur capitale, c’est de se dire que c’est une affaire de famille qu’on va régler en silence. Un accompagnement psychologique est indispensable et malheureusement à Maurice, nous n’avons pas de psychologues spécialisés en abus sexuels pour les enfants ni de pédopsychiatres. N’empêche qu’un suivi thérapeutique auprès des professionnels, thérapeutes et psychologues, etc. est important. En termes de soutien, c’est aussi important de bien faire ressortir que l’enfant n’est jamais à blâmer, qu’il a été victime d’un crime et qu’il n’est pas le seul à qui cela arrive.

 

Sandrine AH-CHOON