Les enfants qui vivent dans une famille où il y a de la violence

Les enfants qui vivent dans une famille où il y a de la violence :
aperçu des meilleurs données de recherche en vue d'améliorer les interventions

 

Besoin d'une intervention

 

La première étape du processus consistant à mettre au point des interventions est de vérifier et de décrire le besoin auquel répondra le service. Les méthodologies appropriées à cette étape sont à la fois exploratoires et descriptives. La question des EEVI a été abordée pour la première fois dans des documents publiés en Angleterre en 1975 lorsque deux articles ont décrit des problèmes comportementaux constatés dans de petits échantillons d’enfants (Holden, 1998). Il a fallu attendre cinq ans pour que soit publié le prochain document sur le sujet. Les recherches initiales portaient sur les questions suivantes : les enfants souffrent ils du fait qu’ils habitent dans une famille où leur mère est maltraitée? De quelles façons? Quelle est la fréquence de l’exposition d’enfants à de la violence familiale? Globalement, les données recueillies laissaient supposer qu’il s’agissait d’un problème social jusqu’alors invisible mais sérieux et expliquaient les problèmes de mésadaptation dont souffraient certains enfants. Rien qu’au cours de notre examen, nous avons trouvé 193 sources d’information qui décrivent les expériences d’enfants qui vivent dans une famille où il y a de la violence, qui mesurent la prévalence ou l’incidence de ce phénomène ou qui décrivent les résultats négatifs de celui ci pour certains enfants, adolescents ou adultes.

 

Le point de vue de l’enfant

 

[Traduction] Vous voulez savoir ce que je ressens à ce sujet? Cela me bouleverse complètement et je suis confus. Quand cela se produit, j’ai le sentiment que des choses poussent dans ma tête, vers l’extérieur, et appuient sur ma tête. Vous voulez que je vous en donne un exemple? Voilà ce que je vais faire, je vais vous donner un bon exemple, mais vous devez avoir beaucoup de papier pour tout inscrire. Un jour, il y a eu une grosse dispute. Mon père ne voulait pas son [souper]. Il m’avait acheté une crème glacée. Il a poussé ma mère trois fois. Quelqu’un est sorti en courant. Il a continué à lui donner des coups de pied. Maman pleurait et pleurait. Puis, je me suis mis en colère - je ne suis pas quelqu’un de méchant, vraiment pas, mais je me suis juste mis en colère. Il a donné un coup de pied à sa voiture. Il est ensuite monté dans la voiture et en est ressorti et cette fois ci c’était après moi qu’il en avait et je me suis donc enfui. Plus tard, je jouais avec ma sœur sur l’ordinateur. Notre voisine s’occupait de ma maman. Puis, nous avons vu arriver la police et je suis allé chez ma tante. Vous comprenez? Cela me bouleverse tellement. J’ai peur que je serai comme ça quand je grandirai. Je sais ce qu’elle vit et je veux l’aider. Je suis inquiet pour elle (garçon de huit ans, cité dans Mullender et al., 2002: 95 96).

 

Ce sont essentiellement les voix des enfants qui nous disent qu’il est nécessaire d’intervenir et la façon de le faire. Nous apprenons tellement de leurs paroles et nous devons nous rappeler de les laisser raconter leurs histoires avant que nous posions nos propres questions. Si nous sommes attentifs à ce qu’ils nous disent, ils nous fournissent les repères quant aux aspects à explorer et où intervenir.

 

Ce jeune garçon nous dit que cet incident n’est pas un événement isolé. Il nous donne un "exemple" et laisse sous entendre qu’il pourrait nous en donner de nombreux autres. Sa perception est que la violence commence par une dispute et peut empirer rapidement. La première question qu’il faut examiner est le risque qu’il soit maltraité ou blessé s’il intervient pour protéger sa mère. Nous savons que ce risque existe parce que là où il y a violence familiale, les enfants sont eux aussi souvent maltraités. Ses paroles nous montrent aussi qu’il comprend comment se sent sa mère et ce qu’elle traverse. Sa compréhension repose t elle sur une expérience personnelle?

 

Cette latence précoce manifestée par ce garçon montre comment un cadre développemental aide à comprendre son point de vue. Comme les autres enfants de son âge, il a un raisonnement concret et se concentre sur les petits détails, par exemple, sur le fait que sa mère a été poussée trois fois. On peut s’attendre à cet âge là à ce que l’enfant s’identifie de plus en plus avec le parent du même sexe, ce qui habituellement est une bonne chose. Mais chez ce garçon, cela cause de la confusion parce qu’il estime que la colère de son père n’est pas une bonne chose et pourtant, il reconnaît que lui aussi a des sentiments de colère. Il fait un effort pour se rassurer et probablement pour rassurer l’intervieweur qu’il n’est pas méchant comme son père. Il peut aussi se sentir responsable pour l’incident en adoptant une attitude égocentrique. Son père lui a donné une crème glacée (ce qui était bien) et sa mère a été battue. Même s’il ne ressent aucune culpabilité, le fait qu’il a reçu une friandise alors que sa mère a été maltraitée crée t il un conflit en lui?

 

Cet incident relativement court occupe un espace émotionnel trop disproportionné. Il s’agit d’un incident très grave qui nécessite "beaucoup de papier". Il est clairement imprimé dans sa mémoire. Bien que ce sujet affirme que ses idées ne sont pas claires, sa description l’est et renferme des détails précis. Nous assistons aussi à une réaction somatique lorsqu’il explique qu’il ressent de la pression dans sa tête. Il s’inquiète excessivement de sa mère qu’il aime et de sa sécurité. Tous ces aspects nous montrent qu’il faudrait peut être explorer les symptômes traumatiques chez ce garçon. La réaction émotionnelle dominante est toutefois de la confusion. Par la suite, sa routine est interrompue et nous n’avons aucune idée où est son père ou comment cet incident s’est terminé.

 

Plusieurs possibilités s’offrent à nous pour ce qui est de l’intervention auprès de ce jeune garçon : une évaluation du risque qu’il soit maltraité, de l’instruction pour réduire la possibilité qu’il intervienne pour protéger sa mère et qu’il soit blessé lui même, une évaluation des réactions possibles au stress traumatique qu’il ressent comme des troubles du sommeil et une exploration plus poussée de ses sentiments concernant sa propre colère et d’éventuelles expressions mésadaptées de cette colère. Si l’on n’intervient pas, on ne devrait pas s’étonner d’assister à la manifestation d’une série de problèmes qui pourrait inclure des mauvaises notes à l’école, de l’agressivité envers les pairs et des problèmes de conduite généraux comme la désobéissance.

 

Neuf des 334 études décrivaient l’expérience des enfants, recueillie parfois au moyen d’entrevues personnelles avec eux. Plusieurs sources d’information particulièrement utiles viennent du Royaume Uni (Epstein et Keep, 1995; McGee, 2000; Mullender et al., 2002) et de deux études américaines (Ornduff et Monahan, 1999; Peled, 1998). Nous avons déjà examiné dans une certaine mesure les effets d’incidents de ce genre sur les enfants d’âges différents, mais nous devons également comprendre comment les enfants d’âges différents assimilent leurs expériences différemment (Baker et al., 2001; Baker et al., 2002; Baker et al., 2002). Cette information facilitera grandement la conception d’interventions tenant compte des réalités développementales à chaque âge et à chaque étape.

 

Documentation des effets néfastes

 

Nous disposons aujourd’hui de nombreuses données exploratoires et descriptives des conséquences négatives qu’a le fait pour un enfant de grandir dans une famille où il y a de la violence interparentale. Cette information provient de 200 études empiriques, auxquelles s’ajoutent les études examinées dans le document Children of Battered Women (Jaffe, Wolfe et Wilson, 1990), qui évalue les résultats négatifs chez les enfants, adolescents ou adultes et établit des corrélations entre eux. Certains de ces résultats sont indiqués plus haut dans la section portant sur les critères d’inclusion. Le tableau 3 renferme un résumé fourni par Carlson (2000) des résultats par étape développementale.

 

Alors que le mot "prédiction" est utilisé assez librement dans les études cherchant à déterminer les corrélations, il est faux de prétendre qu’il y a un lien causal entre n’importe lequel de ces facteurs, et la plupart des auteurs font remarquer que même lorsqu’elles existent, les corrélations sont atténuées par toutes sortes de facteurs et varient selon les nombreuses caractéristiques de la maltraitance elle-même comme la fréquence, la durée, la gravité, le temps écoulé, la relation avec l’agresseur et le fait que l’enfant soit une victime ou non, lui aussi. Carlson (2000: 322), qui fait observer que le lien entre l’exposition à de la violence interparentale et l’ajustement plus tard s’est avéré plus complexe qu’on le supposait à l’origine, fournit un résumé concis de la littérature :

 

  • selon une estimation prudente, au moins 10 à 20 % des enfants sont exposés à de la violence entre partenaires intimes chaque année, tandis que jusqu’à un tiers des enfants y sont exposés à un moment donné durant l’enfance ou l’adolescence;

  • selon une estimation prudente, au moins 10 à 20 % des enfants sont exposés à de la violence entre partenaires intimes chaque année, tandis que jusqu’à un tiers des enfants y sont exposés à un moment donné durant l’enfance ou l’adolescence;

  • toutes sortes de théories ont été proposées pour expliquer les diverses réactions comportementales, émotionnelles et cognitives chez les enfants qui sont témoins de violence familiale : apprentissage social, stress et adaptation, risque et résistance, traumatisme, etc;

  • certains enfants qui sont témoins de violence entre des partenaires intimes ne semblent pas manifester des réactions négatives et on n’a trouvé aucune tendance unique pour ce qui est des effets immédiats ou à court terme de l’exposition à de la violence familiale;

  • les réactions immédiates incluent de la détresse émotionnelle, de la colère, de la peur et de l’anxiété et un désir d’intervenir;

  • les réactions à court terme qui sont courantes incluent l’extériorisation des émotions, qui se manifeste notamment par de l’agressivité et des problèmes de conduite, l’intériorisation des émotions causant de l’anxiété et de la dépression et l’apparition de problèmes sociaux, dont des problèmes de communication avec les pairs;

  • même si aucune étude longitudinale n’a encore été effectuée, des recherches limitées semblent indiquer que l’exposition à de l’agression interparentale peut causer des problèmes d’ajustement à long terme comme de la dépression, une plus faible estime de soi et de la violence dans les fréquentations, en tant qu’auteur ou victime de cette forme de violence;

  • les facteurs qui atténuent les réactions des enfants à de la violence familiale incluent la nature de la mésentente proprement dite (c. à d., sa fréquence et sa gravité), l’âge et le sexe de l’enfant, l’exposition à d’autres formes de mauvais traitements, comme de l’agression sexuelle, et la présence de facteurs protecteurs qui peuvent avoir un effet tampon comme les soutiens sociaux;

PHOTO Cooccurrence avec la maltraitance des enfants et le double effet Il est solidement établi aujourd’hui que les enfants qui habitent dans une famille caractérisée par de la violence interparentale courent eux mêmes un risque plus élevé d’être maltraités. À vrai dire, la fréquence d’une telle cooccurrence peut être extrêmement élevée. Par exemple, dans l’étude de Caetano et al. (2003), qui se sont servis d’un échantillon probabiliste à l’échelle des États Unis incluant à la fois des hommes et des femmes faisant partie de trois groupes ethniques, seulement une petite proportion des répondants (moins de 10 %) ont affirmé qu’ils avaient été témoins de violence interparentale sans être maltraités eux mêmes. Cependant, les chercheurs se sont entretenus uniquement avec des couples, ce qui signifie que des personnes célibataires n’ont pas été incluses. Hughes et al. (1989) ont utilisé l’expression "double whammy" (double effet) pour décrire l’impact cumulatif de la maltraitance directe des enfants accompagnée d’exposition à de la violence interparentale. Selon cette hypothèse, les enfants qui sont eux mêmes maltraités tout en étant exposés à de la violence interparentale risquent davantage d’avoir des problèmes plus tard que les enfants qui ont été uniquement témoins de violence. Il semble que l’on accepte de plus en plus que cette affirmation est vraie. Cette question est examinée de trois façons. La première consiste à mesurer l’effet de la maltraitance des enfants dans des échantillons de jeunes exposés à de la violence interparentale. Une autre façon d’examiner la question est de se servir d’échantillons d’enfants maltraités, dont certains ont été témoins de violence interparentale. English et al. (2003) ont effectué une analyse secondaire d’un sous groupe dans LONGSCAN, la base de données des familles surveillées par les services de protection de l’enfance à cause de maltraitance ou de négligence d’enfants (Longitudinal Studies of Child Abuse and Neglect). On a utilisé un certain nombre d’instruments psychométriques différents pour évaluer les problèmes de santé et comportementaux à l’âge de six ans. Tout en tenant compte de nombreuses variables corrélées également avec les résultats, on n’a pas trouvé de corrélation entre la violence familiale dans le ménage et les problèmes comportementaux des enfants. La conclusion était que cette violence avait une influence indirecte qui se manifestait sous la forme de dépression chez la personne s’occupant des enfants, d’une augmentation du nombre de cas aiguillés vers les services de protection de l’enfance pour maltraitance/négligence d’enfants, et de problèmes de santé et d’un manque de compétence au sein de la famille. Par contraste, on a trouvé une corrélation pour ce qui était du nombre de cas aiguillés vers les SPE pour maltraitance, en ce sens que les problèmes comportementaux augmentaient à mesure qu’augmentaient les cas ainsi aiguillés. La meilleure façon d’explorer cette question est d’utiliser des échantillons de la population générale. Heyman et Slep (2002) ont utilisé des données de la National Family Violence Survey pour examiner les liens entre la maltraitance des enfants et l’exposition à de la violence interparentale. Ils ont constaté que chez les femmes qui avaient été maltraitées et exposées à de la violence, il y avait une probabilité plus que deux fois plus élevée qu’elles maltraiteraient un enfant ou un partenaire et une probabilité considérablement plus élevée qu’elles se retrouvent dans une relation malsaine. Dans le cas des hommes, seul le dernier facteur s’appliquait. Chez les hommes, le risque qu’ils maltraitent un enfant ou un partenaire était plus prononcé lorsqu’ils avaient été exposés à de la maltraitance d’enfants ou à de la violence interparentale. Yexley et al. (2002) ont utilisé des données d’un échantillon quasi saturé de 133 794 élèves adolescents au Minnesota. Dans un questionnaire d’autodéclaration, les élèves indiquaient qu’elle était leur propre exposition à de la violence dans leur famille (violence qui pourrait être dirigée contre n’importe qui par n’importe qui) et leurs expériences personnelles où ils avaient été agressés physiquement par un adulte dans leur famille. Les deux catégories portaient respectivement le nom "d’exposition à de la violence physique infrafamiliale" et "victime directe de violence intrafamiliale". L’étude a révélé que lorsque les enfants avaient été à la fois témoins et victimes de violence, il était plus probable que les trois conséquences suivantes surviennent : tentative de suicide, bagarre au cours des 12 derniers mois et port d’une arme à feu au cours des 30 jours précédents, à la fois chez les garçons et chez les filles. D’autres données intéressantes proviennent de la Adverse Childhood Experience Study (étude sur les expériences négatives durant l’enfance) effectuée par la Kaiser Permanente HMO à San Diego, étude dont les résultats ont été publiés à différents endroits. Les membres de la HMO ne correspondent peut être pas à la population générale et l’échantillon ne constitue pas une saturation complète des membres. Par conséquent, nous ne pouvons pas utiliser ces études pour en extraire de l’information sur l’incidence ou la prévalence des facteurs examinés. En revanche, cet important groupe de données permet quand même d’effectuer quelques analyses multidimensionnelles intéressantes. Par exemple, à mesure que diminuait l’exposition à de la maltraitance de la mère, la prévalence de la maltraitance d’enfants diminuait également (Dube et al., 2002). La cooccurrence avec de la maltraitance d’enfants et le double effet montrent clairement que toute recherche ayant pour but d’examiner le lien entre de la violence interparentale et les effets ultérieurs doit également tenir compte des mauvais traitements infligés à des enfants. Toutefois, sur 207 études empiriques, seulement 46 % ont tenu compte directement ou indirectement de la possibilité que de la maltraitance concurrente d’enfants puisse influer également sur les effets ultérieurs. Par exemple, une excellente étude de jumeaux monozygotes et dizygotes suivis de la naissance à l’âge de cinq ans a séparé statistiquement la contribution de la violence interparentale de celle des facteurs génétiques pour expliquer l’intériorisation et l’extériorisation des problèmes comportementaux (Jaffee et al., 2002). L’omission de mesurer la maltraitance des enfants compromet sérieusement la capacité des chercheurs d’invoquer la violence interparentale comme seule cause des différences constatées. Un autre exemple est une méta analyse effectuée par Stith et al. (2000) de 39 études portant sur l’hypothèse de la transmission intergénérationnelle. Les chercheurs ont constaté des effets similaires de la maltraitance d’enfants (0,16) et de l’exposition de la violence interparentale (0,18). Cependant, il est inévitable que certains des participants ayant été témoins de violence aient également été victimes de mauvais traitements. L’intention des auteurs était d’étudier le lien entre le fait de grandir dans une famille où il y a violence et de se retrouver dans une relation conjugale violente. Le lecteur non averti pourrait toutefois arriver à la conclusion, qui d’après les auteurs devrait être " interprétée prudemment", que la maltraitance durant l’enfance et le fait d’être témoin de violence contribuent de la même façon à de la violence au cours de la prochaine génération. Cooccurrence d’autres circonstances négatives Ce qui rend le besoin d’intervenir auprès de ce groupe encore plus urgent est que généralement il n’y a pas uniquement de la violence, mais aussi toute une gamme d’autres problèmes familiaux. Autrement dit, il est rare que la violence perpétrée contre la mère d’un enfant est le seul événement négatif au sein de familles où se produit de la violence. En réalité, la violence perpétrée par la mère de l’enfant semble tout aussi courante. Et nous savons d’études développementales d’enfants qu’un grand nombre d’entre eux sont incapables de définir correctement les intentions des auteurs de cette violence, de bien en attribuer la responsabilité et de repérer correctement les variables contextuelles et les zones grises qui distinguent la violence perpétrée par les hommes contre les femmes de l’inverse. En plus du taux élevé de maltraitance d’enfants dans des familles où il y a de la violence, Fergusson et al. (1998), qui examinaient une importante cohorte de naissance en Nouvelle Zélande, ont constaté que les familles où il y avait de la violence interparentale souffraient fréquemment de désavantages sociaux et économiques, ainsi que de problèmes familiaux qui incluaient la consommation de drogue et la consommation abusive d’alcool chez les parents. Ces autres facteurs ont expliqué dans une large mesure les écarts en matière d’ajustement à l’âge adulte, bien que les auteurs évitent d’établir des liens de cause à effet. Dans l’ensemble, la violence interparentale a contribué de façon limitée mais unique aux quelques mesures des effets ultérieurs, y compris à l’incidence de crimes contre les biens, tandis que la majorité des écarts dans les résultats ont été expliqués au moyen de variables liées au contexte familial reliées étroitement à l’incidence de la violence familiale. Au cours de la Adverse Childhood Experiences Study décrite plus haut, les adultes qui ont signalé que leur mère était battue faisaient face plus souvent aux huit autres facteurs négatifs : quatre types de mauvais traitements infligés à des enfants (physiques, sexuels, émotionnels et négligence), toxicomanie dans la famille, maladie mentale dans la famille, séparation ou divorce des parents, ou incarcération d’un membre de la famille (Dube et al., 2002). De plus, il y avait une relation graduelle entre l’importance de l’exposition et le taux de prévalence de chacun des autres facteurs négatifs. Pour conclure, ce que Rossman (2000: 45) appelle "l’ ensemble des facteurs négatifs" de l’exposition à de multiples formes de maltraitance et à d’autres désavantages caractérise les enfants et les adolescents qui risquent le plus de manifester des résultats négatifs. De plus, les personnes qui interviennent auprès d’enfants exposés doivent être conscientes aussi de la probabilité que ces derniers aient été maltraités également et devraient évaluer ces enfants pour mettre en lumière d’autres formes de dysfonctionnement familial. Prévalence/incidence Combien d’enfants sont exposés à de la violence familiale chaque année (incidence)? … durant leur vie (prévalence)? Il peut sembler qu’il s’agit de questions simples, mais nous n’avons pas de réponses. Dans pratiquement chaque article américain sur le sujet, on cite l’estimation de Carlson (1984) de 3,3 millions chaque année, même si, comme Fantuzzo et Mohr (1999) le signalent, les données datent de 1987 et que l’échantillon étudié exclut les familles où les parents sont divorcés ou bien où les enfants avaient moins de trois ans. D’après Straus (1992), le nombre est de 10 millions chaque année. Holden (1998) affirme qu’il s’agit de 17,5 millions si l’on prend en compte toute l’enfance, d’après une enquête menée auprès d’étudiants universitaires (Silvern et al., 1995). Si nous avons de la difficulté à répondre avec certitude à ces questions, c’est à cause de nombreuses questions conceptuelles (Jouriles, McDonald, Norwood et Ezell, 2001). Qu’entend on par violence interparentale? S’agit il de violence perpétrée par un homme à l’endroit d’une femme ou la définition de plus en plus courante de violence par n’importe quel partenaire à l’endroit de l’autre partenaire? S’agit il de violence physique par opposition à d’autres formes de violence et de mauvais traitements? L’enfant l’a t il vu de ses propres yeux, l’a t il entendu, en a t il vu les conséquences comme des ecchymoses, en a t il entendu parler plus tard ou habite t il dans une famille où il y a de la violence? Qui faut il interroger : la femme ou l’homme? Comment peut on savoir si les répondants aux enquêtes disent la vérité? Quand une nouvelle fréquentation devient elle membre de la famille? Et ainsi de suite. D’excellentes études sur l’incidence et la prévalence ont été menées en Angleterre (Cawson, 2002; Cawson et al., 2000), en Nouvelle Zélande (p. ex., Fergusson et al., 1998) et en Australie (Indermaur, 2001). Au Canada, l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes fournira quelques données intéressantes sur de nombreux aspects du fonctionnement des enfants. À ce stade ci, toutefois, on dispose de données sur l’incidence de l’exposition à de la violence de façon générale dans les ménages (y compris celle impliquant des frères adolescents ou sœurs adolescentes). Dans une cohorte représentant des enfants de 2 à 11 ans, 8,6 % des enfants étaient exposés à cette forme de violence d’après leur mère (Onyskiw, 2002). Un autre inconvénient, qui ne se limite toutefois pas à cette enquête, est le fait que l’on ne recueillit pas de l’information sur les mauvais traitements infligés aux enfants à ce stade ci. On espère que les enquêteurs suivront l’exemple d’autres chercheurs effectuant des études longitudinales à long terme et chercheront à obtenir des données rétrospectives sur la maltraitance des répondants lorsqu’ils étaient enfants, une fois qu’ils atteindront l’âge adulte. Au bout du compte, il n’est toutefois pas nécessaire pour nous de savoir quel est le chiffre exact, à une décimale près, pour savoir qu’il s’agit d’un problème bien trop fréquent. Données les plus fiables

Données les plus fiabl

  • la violence familiale est un problème social largement répandu qui touche des milliers de jeunes en Amérique du Nord à un moment ou un autre durant leur enfance;

  • de nombreuses études démontrent que certains des enfants qui vivent dans une famille où il y a de la violence, mais pas tous, courent un plus grand risque d’avoir des problèmes plus tard, mais nous ne sommes pas parvenus à isoler un lien causal à cet égard et ce lien est probablement causé par l’ensemble des facteurs négatifs qu’ont en commun les familles caractérisées par de la violence interparentale;

  • certaines des meilleures indications qu’il y a un besoin d’intervention viennent des témoignages des enfants eux mêmes faits dans le cadre d’études qualitatives ayant pour but d’améliorer notre compréhension de la façon dont les jeunes gens interprètent la violence et adoptent des stratégies d’adaptation saines ou mésadaptées.

Source : http://www.prevention.gc.ca/fr/library/publications/children/violence/children_who_live_with_violence/need_for_intervention.html